Je suis
professeur d’histoire dans l’Education nationale, et grâce à Monsieur Claude Allègre,
ministre de l'Education Nationale qui a inventé les académies hermétiques et les mutations sans
possibilité de retour en arrière, j’ai fait le grand saut dans l’Académie de Paris en 2005, et je me
suis retrouvé prisonnier de nouvelles règles, dépouillé des nombreux points
patiemment accumulés en zone violence, parce que mon ministre avait changé brusquement
les règles d’un « jeu » qui ne fait rire que lui (que sa mémoire soit à jamais louée).
Je suis donc affublé du sigle de TZR (titulaire remplaçant) dans
une ZEP à Paris, ce qui signifie, pour les ignorants qui ne comprendraient pas encore
les sigles et acronymes que nos grandes administrations (Défense et Education
Nationale) inventent à tour de bras, qu’après vingt ans de bons et loyaux
services, je perpétue chaque année l’étrange et stimulant rituel qui consiste à
ne pas savoir fin août où je serai affecté début septembre, et je relève le
défi d’enseigner l’histoire à des élèves bourrés d’énergie à défaut de
vocabulaire, tout cela pour un traitement proche du SMIC. Certains se
reconnaîtront dans ce portrait, j’en suis sûr.
Vous
comprendrez donc pourquoi je suis ravi de la décision de Monsieur Peillon de remettre
à plat le système. Quelle joie d’apprendre que ces planqués des classes
préparatoires, ces intellectuels en chambre, ces rond-de-cuir éloignés du
combat physique du front vont ENFIN en baver, eux qui échappent à la
mobilisation de notre mission gratuite et obligatoire… Ils vont finir par les payer,
leur lâcheté et leur goût du lucre en voyant du jour au lendemain leur
rémunération fondre comme neige au soleil !
Ce n’est pas
eux qui sont soumis à la vigilance de syndicats qui empêchent toute autre
évolution que motivée par l’âge des artères, pas eux non plus qu’un médecin du
rectorat renvoie en première ligne en interprétant la dépression comme une
mutilation volontaire, pas eux qui touchent une solde supplémentaire de 96
euros mensuels (sur 10 mois) pour les récompenser de leurs loyaux services. Pas
eux non plus qui goûtent à chaque instant les bonheurs de la pédagogie : à
chaque heure quinze minutes pour faire rentrer les élèves dans la classe, puis vingt
minutes d’alphabétisation après vingt minutes de discipline, sans compter les quinze
secondes de temps de correction par copie. Je n’ose évoquer le temps de
préparation de ce que l’on appelle
chez les planqués un « cours » et chez nous depuis des années
une « séquence ».
Finissons-en
avec les classes de 45 élèves
intéressés et aimables, les copies qu’ils corrigent des week end entiers bien
au chaud dans leur fauteuil club avec un bon cigare … et puis surtout avec cette
insupportable réussite des élèves, futurs planqués bien sûr, qui va jusqu’à
attirer certains des nôtres, relaps du mérite en dépit des années passées en
ZEP, qui finissent même en fin de troisième par entrer dans des lycées de l’arrière,
et même horreur, en classe prépa ! Cette réussite est insupportable, elle est même contagieuse!
Mais il y a
une solution. À l’instar de la mise en œuvre dès 1915 des marraines de guerre, il est nécessaire de mettre en place aujourd’hui
un système bien « remis à plat » de réversion des heures
supplémentaires des planqués de prépas aux poilus de ZEP.
En ces temps de centenaire de la Grande Guerre, j’ai donc le plaisir, camarades zépistes, de lancer le blog adopteunprofdezep.com qui donne à chaque professeur de prépa la possibilité de se racheter en versant individuellement, nominativement et mensuellement les 15 ou 20% non mérités de leur traitement actuel à un gazier de ZEP choisi parmi nous, photo et argumentaire à l’appui. Un système plus efficace que de redistribuer à tous de quoi s’acheter chaque semaine un nouveau bic rouge inutile, d’autant plus que la carte des ZEP est appelée à être réduite comme peau de chagrin, et que la boîte de Pandore des réductions de traitement des enseignants ouverte, nul doute qu’elle ne se refermera pas de sitôt. A l’image de l’institution des marraines de guerre, adopteunprofdezep.com finira à n’en pas douter par des échanges et des rencontres fructueuses de part et d’autre du front, si nécessaires entres ces deux catégories si isolées l’une de l’autre. Il y aura également des dons de vêtements, les hivers sont si rudes dans le XIXème et si doux dans le Vème…
En ces temps de centenaire de la Grande Guerre, j’ai donc le plaisir, camarades zépistes, de lancer le blog adopteunprofdezep.com qui donne à chaque professeur de prépa la possibilité de se racheter en versant individuellement, nominativement et mensuellement les 15 ou 20% non mérités de leur traitement actuel à un gazier de ZEP choisi parmi nous, photo et argumentaire à l’appui. Un système plus efficace que de redistribuer à tous de quoi s’acheter chaque semaine un nouveau bic rouge inutile, d’autant plus que la carte des ZEP est appelée à être réduite comme peau de chagrin, et que la boîte de Pandore des réductions de traitement des enseignants ouverte, nul doute qu’elle ne se refermera pas de sitôt. A l’image de l’institution des marraines de guerre, adopteunprofdezep.com finira à n’en pas douter par des échanges et des rencontres fructueuses de part et d’autre du front, si nécessaires entres ces deux catégories si isolées l’une de l’autre. Il y aura également des dons de vêtements, les hivers sont si rudes dans le XIXème et si doux dans le Vème…
Venez nous
rejoindre, envoyez vos photos, vos tranches de vie au front, vos retours d'expérience, je les publierai, faites-vous adopter !
Jean-François
Immarigeon
Professeur
d’histoire-géographie en ZEP à Paris, colleur en CPGE à Paris…aussi.
Merci, j'ai retrouvé le sourire en lisant ce billet.
RépondreSupprimerJe ne suis pas, à proprement parler, l'un des vôtres mais, à vous lire, je me sens moins seul. C'est donc qu'on est dans le même camp!
Avec ma sincère admiration pour le travail accompli et ma solidaire consternation pour le manque de reconnaissance que vous recevez en récompense.
Martin DEL HIERRO (Planqué en CPGE à Toulouse)
Merci, merci, merci,
RépondreSupprimerça fait du bien de rigoler un peu !
Aurélie DENIS (ex zepiste actuellement CPGE)